Eternal Daughter [critique] : Une histoire de fantômes et de regrets

© Condor Distribution

À partir d’une histoire profondément intime, Joanna Hogg livre une saisissante réflexion universelle sur la filiation et le deuil.

Lors d’un séjour dans un hôtel, une réalisatrice s’occupe de sa mère âgée tout en réfléchissant à l’écriture de son prochain long métrage. La nuit, dans les étages supérieurs résonnent des bruits inquiétants, comme des secrets enfouis depuis trop longtemps… À partir d’une histoire profondément intime, Joanna Hogg livre, avec Eternal Daughter, une saisissante réflexion universelle sur la filiation et le deuil.

Méconnue du public international avant la sortie, l’année dernière, de The Souvenir Part I & II, Joanna Hogg revient dans les salles françaises avec un nouveau film d’inspiration autobiographique, tout en se réappropriant le symbolisme inhérent au cinéma fantastique.

Projeté à la Mostra de Venise, Eternal Daughter relate sur quelques jours la relation fusionnelle entre une femme mûre, Julie, et sa mère vieillissante Rosalind, toutes deux étant interprétées par l’actrice - et amie de la cinéaste britannique - Tilda Swinton (qui, déjà, tenait le rôle de la mère dans The Souvenir). Ce troublant face-à-face vient pleinement signifier par la mise en scène l’idée d’un dédoublement, à savoir la manière dont une mère se voit elle-même dans sa propre fille et inversement, et la difficulté conséquente à dénouer l’attache filiale.

En vase clos dans ce manoir où les deux femmes semblent les uniques pensionnaires, la douceur et la tendresse de leurs rapports contrastent avec l’austérité hivernale de la campagne anglaise, où le souffle incessant du vent et l’opacité opiniâtre du brouillard participent à une atmosphère menaçante digne d’un roman gothique. Avec une attention toute particulière sur le son et la photographie, le film sollicite nos sens pour nous rapprocher de l’intériorité de Julie et nous donner des indices de compréhension sur son anxiété lancinante, laquelle n’a de cesse de guetter l’apparition de fantômes ressurgis du passé.

Le fantastique au service de l’introspection

Si les raisons de ce séjour demeurent dans un premier temps obscures, le caractère mémoriel et presque sacralisé que lui confèrent les deux personnages se fait vite ressentir. Se recueillir ainsi dans cette bâtisse, que Rosalind avait habitée pendant la guerre, permet à cette dernière de se remémorer les souvenirs d’enfance que ces murs portent en eux et à Julie, dans un élan cathartique, d’absorber une mémoire sur le point de disparaître.

Un film à voir absolument au cinéma pour profiter pleinement de l’expérience.

Eternal Daughter, sortie le 22 mars 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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