Aftersun [critique] : La gloire de mon père

Dans ce premier film quasi-autobiographique, la réalisatrice Charlotte Wells décortique la relation entre un père séparé et sa fille, le temps d'un été en Turquie. Le résultat ? Un drame délicat et bouleversant, qui figure, à n'en pas douter, parmi les plus beaux rendez-vous cinématographiques de ce début d'année.
À la fin des années 1990. Préadolescente intelligente et curieuse, Sophie s'apprête à retrouver son père écossais, Calum, le temps d'un séjour « all-inclusive » dans une station balnéaire turque. Leurs vacances sont d'abord rythmées par des moments de complicité, mais progressivement, une distance s'installe entre eux. Malgré ses efforts pour faire diversion, Calum se voit trahi par une tristesse insondable, qui avait jusqu'ici échappé à Sophie. De son côté, cette dernière réalise que son père fait face à des difficultés autant personnelles que financières. Malheureusement, aucun d'eux ne parvient à exprimer sa douleur et ses doutes...
Entre autres produit par Barry Jenkins (Moonlight, Si Beale Street pouvait parler), Aftersun est de ces premiers films qui impressionnent par leur maîtrise. S'inspirant de son propre vécu, Charlotte Wells signe une œuvre naturaliste, riche de questionnements...qui ne trouvent pas toujours de réponses évidentes. À l'explicite, elle préfère en effet la réminiscence et l'ambivalence. Le long-métrage est ainsi construit à la manière d'un puzzle intime. Là où un tel choix aurait pu entretenir une certaine confusion, la réalisatrice insuffle au récit une poésie et une tendresse désarmantes.
Retracer le passé
Peu à peu, Aftersun lève peu le voile sur sa temporalité : ces vacances d'été appartiennent en réalité au passé. Un passé lourd de secrets que tente de percer une Sophie devenue adulte. Celle-ci parcourt alors les souvenirs et autres instants volés qu'elle et son père ont pu immortaliser en vidéo – l'occasion pour la réalisatrice de raviver l'âme des années 1990.
Que cachait donc cet homme aimant, mais au comportement énigmatique ? Une réponse se dessine... Toutefois, l'interprétation demeure libre. Mais l'émotion est, quant à elle, bel et bien palpable. Avec une justesse et une intelligence rares, Charlotte Wells capture l'essence de sentiments complexes tels que la nostalgie et la mélancolie. Et ceci, pour la mettre au service d'acteurs brillants : la jeune Frankie Corio excelle dans son premier rôle au cinéma, tandis que Paul Mescal, révélé par la série Normal People, est tout simplement bouleversant.
Aftersun, sortie le 1er février 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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