[critique] Drive-Away Dolls : Une ode tous azimuts à l’émancipation

Pour leur premier long métrage réalisé ensemble, Ethan Coen et sa co-scénariste Tricia Cooke se (et nous) défoulent avec ce road-movie féministe et décapant qui, parodiant la série B, use de ses outrances pour tirer à boulet rouge sur nos tabous. Irrésistible… Et parfois leste !
Philadelphie 1999. Jamie se fâche sèchement avec son amante Sukie. Son amie Marian devant aller chez sa tante Ellis à Tallahassee, à plusieurs miles de là, elle la convainc de voyager ensemble. Elle compte en profiter pour la décoincer, surtout sexuellement. Elles louent donc une voiture. Ce qu’elles ignorent, c’est que, suite à un malentendu, le coffre contient une valise que son propriétaire tient à récupérer à tout prix. Un mélange des genres où, sous la provocation, les deux cinéastes tordent le cou aux clichés machistes de façon, certes, radicale, mais in fine pertinente et revigorante sans cesser de nous divertir.
Un Thelma et Louise assumant pleinement son homosexualité
Épousant avec malice les codes de la série B (film vite tourné et d’apparence fauchée), Ethan Coen et sa co-scénariste Tricia Cooke rendent, avec ces deux femmes roulant vers leur liberté, un bel hommage tant au formidable Thelma et Louise de Ridley Scott (1991) qu’au cultissime Certains l’aiment chaud de Willy Wilder (1959) avec sa non moins célébrissime réplique finale « Nobody’s perfect ». De fait, avec outrance mais sans jamais négliger le plaisir du spectateur, ils explosent, avec une joie communicative, les clichés du mafieux, du politicien véreux, d’un certain puritanisme et de bien d’autres références à travers cette histoire d’amour qui va naître entre deux amies, l’une homosexuelle assumée, l’autre pas.
Ce chamboule-tout, au parti pris sexuellement transgressif, pourrait être graveleux, jouer sur l’air du temps, il n’en est rien. Si les dialogues sont crus et la violence parfois franche, l’intrigue est solide, prenante, rythmée et bien tenue. Mieux, on réalise vite que le couple féminin n’est que le reflet subtil, rafraîchissant et sensé de celui que forment Flint et Arliss, leurs deux poursuivants aussi abrutis que brutaux dont la vertu est, précisément, d’alléger le propos. Si on ajoute sa bande musicale particulièrement tonifiante et ses inserts psychédéliques fleurant bon les années 1970 (même si le film se déroule en 1999), voilà un film peut-être tout simplement porteur de nos nouveaux codes sociétaux en cours et, donc, à savourer pour tel.
Drive-Away Dolls, sortie le 3 avril 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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