[critique] Le Livre des solutions : Gondry et Niney au sommet de leur art

Réalisateur incompris, Marc s’enfuit dans les Cévennes pour terminer son film chez sa tante Denise, où il finit par rédiger un livre avec les solutions à tous les problèmes. Les retrouvailles avec Michel Gondry n’auraient pas pu être plus réjouissantes (et mélancoliques).
Huit ans après son dernier long-métrage Microbe et Gasoil (2015), Michel Gondry revient à la réalisation avec un film qui, sans aucun doute, est le plus autobiographique de sa carrière éclectique, partagée entre la France et les Etats-Unis. Tourné dans la vraie maison de sa tante Suzette (à laquelle il avait consacré le documentaire L’Épine dans le cœur en 2009), Le livre des solutions met en scène une période complexe de la vie du cinéaste, qui trouve dans Pierre Niney un alter ego aussi attachant qu’insupportable.
Parfaitement à l’aise dans la peau de Marc – réalisateur lassé par le système, qui cherche refuge au milieu de la nature et de ses souvenirs de jeunesse – l’acteur fait preuve d’une expressivité impayable et déploie ici son talent comique. Comme une sorte d’enfant prodige hyperactif, Marc est constamment en proie à une multitudes d’idées extravagantes et géniales, qui testent souvent la patience de ses (mal)heureux collaborateurs, notamment sa monteuse de confiance, interprétée par Blanche Gardin.
Le film est ponctué de scènes hilarantes et improbables – dont une apparition de Sting et une séquence animée en stop motion narrant l’histoire d’un renard - mais également de moments émouvants, qui découlent de la relation entre le protagoniste et sa tante Denise (Françoise Lebrun), à la fois protégés et protecteurs l’un envers l’autre.
La science de l’imagination
Un trou dans une feuille qui devient un objectif cinéma, ou encore un camion transformé en outil de montage, sont autant de créations drôles et poétiques reflétant l’idée qu’un film se fabrique avec ses mains, et que le métier de cinéaste n'est pas si différent de celui de l’inventeur qui, armé de papier et de ciseaux, a le seul but d’honorer ses rêves d’enfant.
Comme toujours dans l’œuvre de Gondry, le rire et le jeu cachent en réalité une profonde mélancolie, et si Les livre des solutions ne donne pas vraiment de réponses au chaos de nos vies, on peut en tirer au moins un remède contre la déprime : les affects et l’imagination sont les seules choses qui apaisent le malaise d’être au monde.
Le Livre des solutions, sortie le 13 septembre 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Huit ans après son court métrage remarqué, Come Swim, Kristen Stewart adapte sur grand écran les mémoires de l'écrivaine américaine Lidia Yuknavitch. Et signe une œuvre aussi ambitieuse qu'éprouvante. Le verdict est sans appel : une cinéaste est née.
Nouvelle Vague raconte la genèse et la fabrication d’À bout de souffle – premier long métrage de Jean-Luc Godard, film fondateur de la Nouvelle Vague et révélation de Jean-Paul Belmondo – comme s’il avait été tourné au temps des making-of.
Figure de proue du cinéma iranien et visage de la résistance à la répression dans son pays, Jafar Panahi construit une œuvre puissante, dans la lignée de Kiarostami.
Radu Jude, grand cinéaste roumain influencé par la Nouvelle Vague, décrit le cas de conscience d'une huissière de justice dans une ville roumaine anonyme.