[critique] Borgo : Derrière les portes du pénitencier

Corse, 2017 : une surveillante pénitentiaire se retrouve mêlée à un double assassinat. Inspiré d'un fait divers, le nouveau film de Stéphane Demoustier joue la carte de l'austérité et de la sobriété. Le résultat ? Un drame soigné et ambigu, remarquablement interprété par Hafsia Herzi.
Nouvellement installée en Corse, Mélissa (Hafsia Herzi), surveillante pénitentiaire, intègre une unité où, selon les rumeurs du coin, ce sont « les prisonniers qui surveillent les gardiens ». Si elle peine à se faire respecter des détenus, elle ne s'en sort guère mieux avec son voisinage, entre autres raciste à l'égard de son compagnon (Moussa Mansaly). C'est alors que Mélissa obtient l'aide et le soutien de Saveriu (Louis Memmi), un jeune détenu fraîchement libéré. Surprise, Mélissa se montre d'abord distante, puis reconnaissante. Mais en réalité, Saveriu a un service à lui demander...
Entre fiction et réalité, Stéphane Demoustier (La Fille au bracelet, 2019) scinde sa structure narrative en deux, par le biais d'un montage alterné. De ce fait, le spectateur suit deux récits intimement liés : d'une part, l'arrivée de la matonne dans le centre pénitentiaire de Borgo ; d'autre part, l'enquête menée par un commissaire (Michel Fau) sur un règlement de compte entre bandes rivales. Au fur et à mesure, les trajectoires et les temporalités se rejoignent, levant ainsi le voile sur des engrenages pernicieux : corruption, chantage, intimidation...
Une actrice très impliquée
À l'image de l'écriture non conventionnelle, la réalisation joue avec les codes et préfère sortir des cadres structurés : Borgo n'est ni un film de prison, ni une enquête policière. Le long-métrage évolue sur un fil moins certain, mais tout aussi tendu... voire plus réaliste. Loin de se complaire dans les clichés qui collent à la peau, le réalisateur filme l'Île de Beauté et ses habitants dans toute leur complexité. S'il fait état de violences et de luttes fratricides, il n'élude pas pour autant la part humaine de ses protagonistes, rendant alors leurs ambiguïtés et leurs conflits d'intérêt tangibles.
Et au cœur de ce fait divers insulaire, un personnage continue d'intriguer par ses motivations et son implication dans l'affaire : l’insaisissable Mélissa. Une fois de plus, l'interprétation de Hafsia Herzi sonne comme une évidence. Passant d'un registre à l'autre (de la force à la fragilité, de l’intransigeance au doute), l'actrice subvertit la simplicité des apparences, et entretient un mystère quasi-complet. Fascinante.
Borgo, sortie le 17 avril 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Vingt-deux ans après le premier volet, Danny Boyle et son co-scénariste Alex Garland refont équipe pour ce qui s'annonce comme une mise à jour, formelle et thématique, d'un jalon du film de zombies.
Chaque été dans la capitale, le cinéma sort de ses salles traditionnelles pour aller à la rencontre du public en extérieur. 2025 ne fait pas exception avec le retour d'événements au Louvre, à la Villette ou encore à la Monnaie de Paris.
Révélé comme humoriste sur les planches du Jamel Comedy Club, Thomas Ngijol était déjà passé derrière la caméra pour trois comédies populaires : Case départ (2011), Fastlife (2014) et Black Snake (2018). Avec Indomptables, sa nouvelle réalisation, il opère un changement de registre radical et signe un polar haletant.
Retour aux sources pour Kiyoshi Kurosawa : avec Cloud, le réalisateur japonais réinvestit les champs de l'angoisse, sur fond de commerce en ligne et de société hyper-connectée. Il signe un film d'une maîtrise exemplaire.