[critique] Le Procès Goldman : Théâtre judiciaire

Après, notamment, Saint Omer et Anatomie d’une chute, Le Procès Goldman vient confirmer la stimulation qu’exerce la mise en scène de la justice sur le cinéma français.

En 1975, après avoir été condamné en première instance, Pierre Goldman, ex-militant d’extrême-gauche ayant basculé dans le banditisme, est rejugé pour quatre braquages et le meurtre de deux pharmaciennes. Il reconnaît les braquages mais clame avec force son innocence dans l’affaire des meurtres. Ce procès hautement médiatique va se transformer en procès politique.

Après, notamment, Saint Omer et Anatomie d’une chute, Le Procès Goldman vient confirmer la stimulation qu’exerce la mise en scène de la justice sur le cinéma français. Se déroulant quasiment à huis clos, le film suit avec exactitude le déroulement et les prises de parole du procès. En revenant sur ce moment judiciaire et médiatique qui a agité la société des années 1970 et fait couler beaucoup d’encre, Cédric Kahn s’emploie à le délester de tout folklore romantique. Il revient au réel et à sa complexité, et parie sur une mise scène de la parole plutôt que sur une mise en images du mythe. Il en résulte alors une sorte suspense intellectuel, mettant en jeu moins des notions morales (le bien / le mal) que des notions philosophiques (la vérité, l’engagement, etc.).

La société contre l’antisocial

Depuis plus de 30 ans Cédric Kahn dirige sa caméra vers le trouble no man’s land qui se situe entre la zone de confort du jeu social et la zone dangereuse de la folie. Plus encore, sa filmographie, peuplée de quelques fous avérés (Roberto Succo), mais le plus souvent de dépressifs (L’Ennui, Feux rouges, Fête de famille...) ou de marginaux (Vie sauvage, La Prière...), interroge les réactions de la société face à ce qui échappe à son emprise.

Le personnage de Pierre Goldman a donc toute sa place dans cet univers. Personnage border-line, idéaliste et ingérable, radical et suicidaire, il refuse, au risque de sa vie, de « jouer le jeu » de quelque manière que ce soit. Ce faisant, il devient comme un enfant qui met à jour les faux semblants, les mensonges et les lâchetés du monde adulte. Et la cour de justice devient le théâtre de cet affrontement entre la morale butée de l’indomptable « idiot de la famille » et les petits arrangements avec la vérité des garants de l’ordre social.

Le Procès Goldman, sortie le 27 septembre 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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